Autour d’un café chez Sanofi
«Lorsque le grossiste et le fournisseur travaillent ensemble… les patients en récoltent les fruits. »
Pierre Payard - Sanofi
Début 2024, les pharmaciens ont adressé un message clair aux grossistes et fournisseurs : dans une enquête menée par Febelco, ils attendent plus de responsabilité de leur part, notamment sur des questions sensibles comme les pénuries. Chez Febelco, nous prenons cet appel très au sérieux et nous y répondons pleinement. D’ailleurs, c’est une démarche que nous avons déjà entamée depuis longtemps.
En coulisses, nous travaillons quotidiennement avec nos fournisseurs pour améliorer la situation. Notre collaboration étroite avec Sanofi en est un bon exemple. Mais qu’est-ce que cela implique concrètement ? Et cela a-t-il un impact réel sur la disponibilité des produits ? Pierre Payard (Sanofi, Head of Trade North Europe), Bert Jacobs (Febelco, Category Manager) et Marianne Donche (Febelco, Purchase Director) en discutent ouvertement. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : trouver des solutions pour le bénéfice des patients.
Les relations entre grossistes et fournisseurs semblent tendues. C’est du moins l’impression de nombreux pharmaciens en Belgique. Pourquoi ? Et est-ce vraiment le cas ?
Pierre : « Si on se fait l’avocat du diable, on pourrait penser que les producteurs n’ont pas besoin d’investir dans leur relation avec les grossistes, puisque ces derniers doivent de toute façon acheter leurs produits. Dans cette vision, en tant que fournisseurs, on n’aurait rien à perdre. Mais « ne rien perdre » ce n’est pas pareil que « gagner ». Une attitude positive et ouverte permet de trouver des solutions constructives et de créer des situations gagnant-gagnant pour tout le monde. Cela favorise la confiance et une communication fluide, ce qui aide à résoudre les problèmes et les questions délicates. En regardant les choses avec un esprit ouvert, on voit qu’on a tous le même intérêt : le patient. On veut tous que nos produits arrivent aux patients, tout comme les pharmacies. »
Bert : « On a souvent l’impression que les pharmaciens pensent qu’on ne communique pas avec les fournisseurs. En réalité, on le fait tout le temps. Mais ce n’est pas toujours visible pour les pharmaciens, parce que malheureusement, ça n’aboutit pas toujours à des solutions. Mais avec Sanofi, c’était différent. »
Marianne : « C’est aussi un processus très humain et intensif. Envoyer un courriel à tous les fournisseurs en espérant que les choses changent, ça ne suffit pas. Il faut un contact personnel constant, et l’autre partie doit aussi vouloir résoudre les problèmes. Je comprends parfaitement que les pharmaciens nous disent : « Réglez ça ! » Ça nous touche et on ne peut pas l’ignorer. »
C’est sur cette vision commune du « meilleur pour le patient » que Sanofi et Febelco ont commencé à collaborer plus étroitement. Quel a été le point de départ ou le moment clé ?
Pierre : « Je suis nouveau dans mon poste, et un jour, j’ai rendu visite à Febelco à Sint-Niklaas. J’ai plaisanté en disant : ‘Si vous commencez à me demander des réductions, je m’en vais tout de suite.’ Mais on a quand même continué à discuter. »
Bert : « Oui, il faudra qu’on reparle de ces remises... (rires) Mais c’est vrai que tu es venu avec une question concrète sur les quantités de produits commandées pour maximiser le nombre de cartons complets. C’était un excellent point de départ pour comprendre nos méthodes de travail, nos intérêts et nos visions respectives. »
Pierre : « Cette transparence inspire tout de suite confiance. Ça permet aussi de se mettre à la place de l’autre, ce qui aide à résoudre les problèmes de manière constructive. Le fait que Bert venait de prendre ses fonctions de Category Manager a aussi aidé. Je pense que c’est une innovation réussie dans le secteur belge des grossistes-répartiteurs. »
Marianne : « Je suis vraiment contente que tu dises ça ! Nous avons aussi élargi notre équipe pour rendre ce genre de collaboration possible. Pour donner un peu de contexte, nous avons environ 600 fournisseurs chez Febelco. La plupart d’entre eux apprécient que nous investissions davantage dans nos relations. Ça nous permet d’être plus proactifs. D’un point de vue opérationnel et commercial, la disponibilité des produits reste notre priorité. C’est ce que nous nous efforçons d’obtenir. »
Comment passer d’une conversation sur les « quantités de produits par carton » à une collaboration durable sur la disponibilité des produits, un sujet pourtant plus sensible ?
Pierre : « Nos sociétés veulent toutes deux avancer et devenir les meilleures dans leur domaine. Cela ouvre la porte à bien plus que de simples discussions sur les quantités commandées. On commence à s’intéresser aux processus et aux préoccupations de l’autre. Et oui, c’est comme cela qu’on en arrive à parler des produits dont la disponibilité est limitée. »
Bert : « Je me souviens que Pierre m’avait demandé, lors d’une de nos premières réunions : ‘Les pharmaciens me disent que les patients n’ont pas accès à nos produits. Comment est-ce possible ?’ On a répondu tout de suite : ‘Eh bien, parce que notre commande n’a pas été entièrement livrée par vous.’ Cette conversation a été un déclic pour nous deux. À partir de ce moment-là, on a vraiment pu commencer à discuter. On s’est rendu compte qu’on était prêts à s’attaquer au problème ensemble. »
Pierre : « Exactement, c’était un moment important. Je pense aussi que les gens ne réalisent pas toujours à quel point il est complexe d’avoir des produits disponibles en permanence. Malheureusement, tous les produits ne peuvent pas être disponibles tout le temps, partout et en quantités illimitées. Ce n’est pas faisable en termes de production et de logistique, sans parler des autres défis. »
Marianne : « Cette complexité est compréhensible pour nous parce qu’on est dedans au quotidien. Mais quand il faut expliquer ça à un patient qui est en face de vous... Oui, je
comprends que ce n’est pas facile. »
Et pourquoi la disponibilité des produits est-elle si complexe ?
Pierre : « C’est vraiment une question d’interaction entre plusieurs facteurs. Prenons l’exemple des produits dont le brevet a expiré... D’autres producteurs commencent à fabriquer ce produit, souvent hors Europe et à un coût beaucoup plus bas, ce qui fait baisser la part de marché du détenteur du brevet original. C’est normal, c’est comme ça que fonctionne le marché des médicaments. Donc, c’est aussi normal que le détenteur du brevet initial réduise sa production, parce qu’il prévoit que la demande sera beaucoup plus faible, voire inexistante. Mais que se passe-t-il si les nouveaux producteurs rencontrent soudain des problèmes ou font des arbitrages en faveur d’autres marchés que la Belgique ? Eh bien, on se tourne à nouveau vers le titulaire du brevet initial pour qu’il fournisse, malgré ses plans de réduction de production. Je pense que ça montre bien comment une pénurie peut entraîner une réaction en chaîne. »
Comment cette collaboration peut-elle répondre à ce problème ?
Bert : « C’est une question d’information et de communication. En ayant des lignes de communication plus courtes avec notre fournisseur, on peut donner des informations plus précises à nos pharmaciens. Et on est sûrs de transmettre le même message au pharmacien et au patient. »
Pierre : « Oui, en fait, c’est encore plus simple que cela. Nous voulons tous deux mettre le patient au centre de notre action et s’assurer qu’il ait le meilleur accès possible à nos produits. Quand le grossiste ne peut pas approvisionner le pharmacien, alors nous perdons aussi une opportunité. »
Marianne : « Le problème, c’est que tous les fournisseurs ne voient pas les choses de la même manière, Pierre. Beaucoup de fabricants pensent encore que Febelco est juste là pour transporter la boîte de chez eux au patient. Ils ne nous considèrent pas comme un acteur qui veut vraiment aider le pharmacien et le patient. Ou bien, ils ne comprennent pas ce qu’il faut faire pour soutenir cette relation avec le pharmacien. »
Bert : « Malheureusement, c’est vrai. On rate alors une chance d’aider les patients de manière plus efficace. Une collaboration et une communication plus étroites permettent aussi de mieux gérer les stocks, ce qui nous aide à faire en sorte que les produits arrivent là où ils sont vraiment nécessaires. »
Pour les pharmaciens, quel est le principal avantage de votre collaboration ?
Pierre : « Avec des lignes de communication courtes, nous pouvons réduire le nombre de ruptures de stock. Bert m’a dit à quel point les pharmaciens et les patients étaient souvent perdus. Comme nous le répétons souvent, Sanofi met à jour de manière quasi-religieuse les informations sur la disponibilité de nos produits sur le site PharmaStatut.be. Les pharmaciens savent donc ainsi à quoi s’attendre. Une rupture de stock dépend aussi de notre volonté de collaborer avec eux. Notre relation ouverte et constructive est alors de la plus grande importance. Nous pouvons prévenir Febelco plus rapidement des pénuries à venir, les malentendus se règlent plus vite, et nous pouvons ainsi les aider à gérer au mieux les futures ruptures. »
Marianne : « Tous les jours, on mesure la disponibilité de tous les produits chez Febelco. Depuis qu’on collabore plus étroitement, ces chiffres s’améliorent. Surtout en ce qui concerne le délai de livraison, c’est-à-dire le temps entre notre commande et la livraison par le fabricant. On a des accords stricts avec nos fournisseurs à ce sujet, mais on voit encore une grande différence entre les délais convenus et les délais réels. Chez Febelco, on veut aider au mieux nos pharmaciens et leurs patients, donc on inclut déjà les délais dans nos commandes au fournisseur. Ça demande un effort supplémentaire de notre part. Mais ces derniers mois, on voit que les délais convenus et réels chez Sanofi commencent à se rapprocher. Ça signifie que la fiabilité augmente, et donc la disponibilité aussi. »
Il s’agit donc principalement de la disponibilité et de la fiabilité ?
Bert : « Et aussi d’une meilleure communication ! Notre enquête de printemps a montré que les pharmaciens viennent d’abord vers nous, le grossiste, pour obtenir des infos. Pour eux, on est la source d’information la plus fiable : 83 % le pensent. Ça concerne la disponibilité des produits, mais aussi pourquoi un produit n’est pas disponible et quand il le sera. Comme on obtient des infos plus précises et complètes de la part de nos fournisseurs, on peut mieux informer nos pharmaciens, qui peuvent à leur tour mieux informer leurs patients. Ça crée une chaîne de confiance. On aime être un maillon fort de cette chaîne et même la force motrice si nécessaire. »
Certains diront : « Pourquoi tout cela ne s’est-il pas produit avant ? » Quelle est votre réponse à cette question ?
Pierre : « Franchement, je ne sais pas, parce que je suis nouveau dans ce secteur... Mais si je devais deviner, je dirais qu’il n’y a pas toujours eu beaucoup de confiance entre les producteurs et les grossistes. Dès qu’il y avait un imprévu, l’un commençait tout de suite à douter des intentions de l’autre. »
Bert : « Oui, des problèmes peuvent arriver. Mais il ne faut pas voir ça comme une ‘tentative de sabotage’. Une bonne compréhension, basée sur la confiance, permet de clarifier les choses. De cette manière, on sait aussi où se situent les frustrations de chacun. Et souvent, c’est plus facile à régler qu’on ne le pense. »
Pierre : « La transparence aide à réduire l’impact des mauvaises surprises. Et il est aussi très important de pouvoir créer et maintenir une atmosphère où l’on peut ‘s’accorder sur un désaccord’, afin de pouvoir continuer à avancer sur tous les autres sujets qui nous occupent. »
Pierre, en tant que fournisseur, vous avez une vision différente de Febelco. Quelle est, selon vous, la position de Febelco sur le marché de gros ?
Pierre : « Febelco est le leader du marché en Belgique et a une excellente réputation. Leur organisation est solide et fiable. Les actionnaires sont presque tous des pharmaciens, donc nous savons que tout ce qu’ils font vise à soutenir les pharmaciens et à aider les patients autant que possible. Ils n’ont pas d’arrière-pensées, ce qui les rend très fiables et il est ainsi facile de travailler avec eux. D’ailleurs, notre partenaire logistique est Livlina, qui fait aussi partie du groupe Febelco. Nous venons juste de renouveler leur contrat ! Cela en dit long sur la confiance que nous avons envers un acteur comme Febelco sur notre marché. »
Grâce à l’intensification des négociations depuis octobre 23, les produits de Sanofi sont livrés à Febelco en moyenne trois jours plus tôt.